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An Augustin Trapp
Monsieur mon cher ami!
Vous me confondez! Est ce donc vous même qui autre fois mon rival m'enviates tout jusques au plaisir d'être regardé par ma maitresse, vous qui quelques fois sentites la rage au coeur, parceque j'aspirois au même bonheur que vous; est donc vous mème, qui m'apprennez aujourd'hui le plus souhaitté et le plus inattendu evenement, que me met au comble de la joie.
[58] Elle a donc vu ma lettre, elle n'a donc pas été fachée de ce coeur farouche, de cet amour ardent, de mes sentimens impetueux, elle même a souhaitté de posseder ces lignes miserables.
Ah pourquoi ne les lui avez pas données sans me demander! Comment avez vous pu croire, que je ne serois pas ravi du sort agreable de ma lettre, d'être gardée par les mains de celle que j'aime, et que je refuserois a mes vers le bonheur d'être si proche d'Elle, que je souhaite moi même si ardement. Donnez lui la lettre, mais dites lui pour quel usage je souhaiterois quelle gardat. Quelle se souvienne quelquefois, en regardant ces lignes, d'un amant malheureux qui l'aime sans attendre jamais le fruit de son amour, qui lui souhaite la vie la plus heureuse, sans esperer de pouvoir contribuer à son bonheur quelque peu de chose. Je n'aurois jamais eu la hardiesse de dire si hautement mes sentimens, si elle ne les avait pas reçus si gracieusement.
Vous me dites des compliments de sa part! seroit – ce bien possible, qu'elle eut tant pensé a moi.
Dites lui – Mais que pourriez vous lui dire quelle ne sent pas encore. Elle connoit mon coeur. Conservez moi son amitié et la votre. Adieu!
Leipzig,
ce 1. d'Octb. 1766.
Goethe. [59]