1829, Ende bis 31. August.


Mit Lambert Adolphe Jacques Quetelet und Frau

Goethe avait l'habitude de recevoir gracieusement les nombreux étrangers qui s'arrêtaient à Weimar et qui lui étaient adressées des différents pays avec le désir, de le voir et de le saluer. On conçoit qu'une obligeance semblable pouvaient donner lieu à de graves inconvénients et provoquer des indiscrétions. Le célèbre poète voulut bien me citer à ce sujet [141] quelques exemples qui froissaient toutes les règles des convenances.

Cependant la plupart des hommes distingués qui étaient alors à Weimar auraient désiré l'entendre; mais ils concevaient sa répugnance à parler, pour ainsi dire, publiquement, quoique placé au milieu de son salon. Plusieurs d'entre eux m'engagèrent à entrer dans leurs vues et à les seconder: ma jeunesse et le désir de les obliger me fit oublier peut-être ce que je devais à notre illustre Mécène. Je lui parlai successivement de différentes circonstances de ses voyages et de ses écrits les plus estimés, mais sans trop exciter son attention et sans lui donner l'envie de prendre une partie active à l'entretien; cependant, lorsque je vins à parler de Venise, de sa jeunesse et de ses premières compositions, je compris que j'avais touché un sujet qui l'intéressait: bientôt je pus m'arrêter, et je vis successivement tous les conviés s'arrêter autour de nous. L'illustre auteur avait sans doute compris le désir de son jeune admirateur et celui de toute l'assemblée. Goethe, dont la noble figure faisait naître le respect et dont le langage avait quelque chose de brillant et d'inspiré, parla avec une éloquence réelle des premiers souvenirs de sa jeunesse, de ces premiers temps qui lui permettaient de rappeler ce que sa carrière avait eu de plus brillant et de plus animé: il était vraiment poète et il était aisé de voir que [142] les sentiments qu'il exprimait avaient pénétré dans les coeurs de tous ses auditeurs.

Outre ses soirées, auxquelles étaient invités les nombreux étrangers qui visitaient Weimar, Goethe avait des réunions du soir où quelques personnes étaient plus particulièrement admises. Dans ces petits comités, l'illustre poète voulait bien me parler encore des travaux de l'optique et des recherches qui l'avaient spécialement occupé. A la fin de la soirée, il me disait avec bonté: »Demain nous verrons tel ou tel point scientifique.« J'étais venu à Weimar pour y passer un jour, et je m'y trouvais dèja depuis une semaine, sans que j'eusse pu songer à lui répondre que je me proposais de partir pour assister au congrès scientifique qui allait s'ouvrir à Heidelberg. Je crus cependant devoir lui parler de mon prochain départ, et quand il vit qu'il y avait nécessité de m'eloigner, il me demanda de passer un instant avec lui dans un salon voisin.

»Hé bien!« me dit-il en souriant et quand nous fûmes seuls, »je vous dirai la vérité tout entière; si je voulais vous la déguiser, vous seriez assez clairvoyant pour vous en apercevoir. Comme poète, mon chemin est fait; je puis le parcourir avec assurance; mais comme physicien, il n'en est pas de même, et les opinions peuvent varier beaucoup au sujet de mes recherches.« Puis, après un moment de silence: »Vous allez donc à Heidelberg pour assister à ce [143] grand bazar scientifique (le congrès): chacun y viendra étaler sa marchandise, la prisera fort et dépréciera peut-être celle du voisin. Or, je suis un voisin, moi; et j'avoue que je serais assez curieux de savoir ce qu'on pense de cette marchandise et si on lui donne quelque estime. – Me promettez-vous de me dire la vérité«. Je lui repondis qu'il pouvait l'attendre pleine et entière. »Cela me suffit,« dit-il, »je compte sur votre promesse.«

Nous rentrâmes ensuite au salon. »Je veux vous donner avant votre départ,« me dit-il alors, »la preuve d'un talent qu'on ne me suppose certainement pas. Je mets un amour-propre tout particulier,« ajouta-t-il en souriant, »à savoir faire un paquet.« Et, en effet, il s'occupa de ranger les pièces qu'il me destinait, ainsi qu'à ma femme, sous une enveloppe que j'ai toujours conservée soigneusement depuis, comme un des présents les plus précieux que je tiens de lui. Qu'on pardonne ces petits details, que le souvenir du grand poète fera peut-être excuser. Sur un carton de format in-8° il déposa d'abord l'intéressant ouvrage Zur Naturwissenschaft überhaupt, besonders zur Morphologie, Stuttgart und Tübingen 1820; et, sur la couverture, il écrivit ces mots pleins d'amitié: »Herrn Director Quetelet, zu geneigtem Andenken des 28. August 1829. – Der höchst erfreulichen Unterhaltungen nicht zu vergessen. – Goethe

[144] Entre les feuillets du livre, il plaça six verres colorés plans de 7 centimètres de hauteur sur quatre de largeur pour les expériences lumineuses et pour démontrer ses idées sur des effets de polarisation, qu'il considérait d'une manière toute particulière et avec des expressions qui lui étaient propres: puis les quatre vers français suivants qu'il destinait à ma femme. Ils étaient tracés de sa main, avec une écriture ferme qui semblait appartenir au burin bien plus qu'à la plume d'un octogénaire:

Chaque jour est un bien que da ciel je reçoi,
Profitons aujourd'hui de celui qu'il nous donne;
Il n'appartient pas plus aux jeunes gens qu'à moi,
Et celui de demain n'appartient à personne. 1

Goethe.


Goethe replia ensuite son paquet; il y apposa son cachet et remplit toutes les formalités voulues, pour me donner, disait-il gaiement, une idée de son savoir en fait d'expédition .....

Quand il fallut le quitter, vers la fin de la même soirée, et lui faire mes derniers adieux, les paroles me manquèrent: le bon vieillard s'en aperçut et il m'embrassa avec la tendresse d'un père.


Note:

1 Der Vierzeiler ist von Maucroux, der aber »Jouissons« statt »Profitons« schrieb.

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TextGrid Repository (2012). Goethe: Gespräche. 1829. 1829, Ende bis 31. August. Mit Lambert Adolphe Jacques Quetelet und Frau. Digitale Bibliothek. TextGrid. https://hdl.handle.net/11858/00-1734-0000-0006-A40C-F